Interview DEMAGO : « L’art est une morsure dévorante » !

Je vous en ai déjà parlé et pour cause, j’aime énormément le travail du groupe français DEMAGO. Il a fallu attendre longtemps pour que celui-ci fasse son retour mais la patience a payé puisque l’EP sorti en début d’année, qui est en fait le premier volet d’un projet en plusieurs étapes, m’a totalement convaincue.

Entre des textes et des sonorités qui ne se contentent pas de rester sur des acquis mais, au contraire, de toujours tenter de se surpasser, DEMAGO est un groupe à ne pas manquer et j’ai eu la chance de pouvoir poser mes questions aux deux protagonistes plein de talent de celui-ci. Je vous propose de découvrir cet échange.

DEMAGO c’est qui ? C’est quoi ? Comment est né votre groupe au départ ?


Demago, c’est Maun et Bleach, la rencontre improbable d’un punk et d’un fou de funk sur les bancs de la FAC d’anglais.


Comment avez-vous choisi le nom de votre groupe ? Pourquoi DEMAGO ?

On a choisi ce nom car c’était pour nous une notion forte, politique, qui s’inscrivait au cœur de la société dans laquelle on évolue. Aujourd’hui d’ailleurs, on s’appellerait plutôt « Populiste » (rires). Ça nous permettait aussi d’avoir du second degré à l’égard de ce que l’on pouvait chanter, d’où cette formule, « chanter sérieusement sans se prendre au sérieux. »


Entre l’album Hôpital et l’EP Au cœur de l’atome, une bonne décennie s’est écoulée. Aviez-vous besoin de vous recentrer pour pouvoir recommencer à créer ?


On n’a jamais arrêté de travailler, on a travaillé pratiquement tous les jours pendant cette décennie. On a fait trois ou quatre albums dont aucuns n’ont vu le jour car on en était pas suffisamment content en terme d’identité. Dans une certaine mesure, on a compris qu’on cherchait quelque chose qui n’existait pas. Cet épisode a été long, trop long. Quand on y repense, c’était une erreur de se diriger vers une pureté artistique mais c’est comme ça. C’est notre histoire et elle fait partie de notre parcours. A nous de rattraper le temps, et ça c’est possible. A nous de vivre la vie qu’on s’est imaginée.


On sent diverses influences dans vos morceaux, et d’ailleurs, en parlant de ça, qu’est ce que vous aimez musicalement, qu’est-ce qui vous inspire chez d’autres artistes ?

Dans un premier temps, on fait la musique qu’on a envie d’écouter. Les influences sont très variées, elles vont du rock progressif, au hip-hop, à la musique du monde, au classique, à la musique afro-américaine. On ne s’interdit rien. Ça balaye large, de Radiohead, Godspeed, James Brown, Miles Davis, Pink Floyd, Kery James, Eminem, Camille, Ghinzu, System of A Down. La liste est longue. La majorité de ces artistes ont une patte inégalable, un style propre, une personnalité bien distincte. Tout ce qu’on aime.

Et s’il n’y avait qu’une chanson à choisir pour surplomber toutes les autres, laquelle choisiriez-vous ?

Si on parle de Demago, Cinq minutes est un titre fort car il convoque l’être face au néant. Cette fin qui nous guette tous et qui implique de se penser soi comme empreinte, comme trace dans le gigantesque patchwork qu’on appelle l’humanité. Cette chanson est un témoignage de désir, de profondeur de vie, le fil et sa pelote. Il y a comme un voyage pendant ces cinq minutes, une ivresse. Un air chargé d’énergie, d’épaisseur, d’une conscience de soi poussé au firmament pour en donner un objet esthétique. La recherche de l’art dans quelque chose de formel.

On vous laisse juge de la puissance du titre « 5 dernières minutes » !


Dans quelles conditions sont écrites et composées vos chansons ?

Dans un premier temps, on compose chacun dans notre coin, en étant relativement solitaire. Dans un second temps, on s’envoie les morceaux. On échafaude, on bâtit, on détruit ou on valide les choses de l’autre. Après de multiples échanges de fichiers (qui peut être processus extrêmement long et épuisant), la dernière mouture s’effectue dans une session collective avec réunion du « bureau politique » (Maun& Bleach). Ensuite on finalise en studio et la chanson part au mix. Cela a l’air simple en quelques phrases mais ça l’est pas du tout.


On ressent que vous aimez particulièrement parler de la société dans vos titres, est ce dans celle-ci que vous estimez trouver la meilleure inspiration ?

La société est en effet au cœur de l’écriture car l’Homme est un animal social. Il s’enrichit de la multiplicité et des regards. Il partage des langues, des cultures, des différences. Tout n’est qu’altérité. A cet égard, nous sommes comme dans un poste d’observation, à disséquer la réalité qui nous interpelle. Les facteurs de désillusion et d’inquiétudes y sont foisonnants. C’est aussi pour cela que les thèmes abordés dans les chansons ne sont pas très drôles. La position qui est la nôtre observe un monde malade, un monde balafré au sein duquel il nous semble difficile de chanter l’amour par exemple. D’autres le font très bien, c’est parfait.


Si vous deviez résumer votre travail artistique en quelques mots, ce serait lesquels ?

Désir. Obstination. Plaisir. Détail. Nécessité. L’art est une morsure dévorante.


On a bien compris que d’autres projets sont à venir, pouvez-vous nous en dire davantage ?


On va sortir à la rentrée un deuxième E.P qui s’appelle « BATTEMENT » et qui est la suite du Cœur de l’Atome. On y retrouve toute l’urgence présente dans le travail du collectif. On a travaillé également sur des reprises de chansons qui nous tenaient à cœur qu’on va sortir tout prochainement et qui nous permettent de sortir de notre zone de confort. On travaille aussi sur un troisième EP qui est à l’état embryonnaire mais où la ligne artistique est déjà bien dégrossie. Le groupe est en ce moment dans une très bonne dynamique créative, et plus on fait, plus on a envie de faire!

Pour finir, concernant les lecteurs, fans de votre travail ou en devenir, que voudriez-vous leur dire ?


On voudrait évidemment les remercier de continuer à nous suivre. Ils vont bientôt se régaler d’un bon nombre de surprises. On espère sincèrement qu’ils apprécieront l’univers bien singulier de nos projets futurs. Le temps nous le dira.


Quelque chose à ajouter ?


M : Un petit conseil lectures d’un livre bouleversant « Jours Sans Faim » de Delphine de Vigan qui est un livre sublime sur la dualité entre le corps et l’esprit. Un ouvrage d’une profondeur qui frôle le génie en 120 pages. Une lecture douloureuse, intense qui fait de la littérature cet art si incontournable.


B : 

Je vous conseille de découvrir d’autres titres de DEMAGO, disponibles sur différentes plateformes comme Youtube, Spotify, Deezer etc…

Chaîne Youtube DEMAGO

Vous procurer l’EP : Au cœur de l’atome

15 ans après, Keren Ann nous fait replonger avec elle !

Crédit Photo : Pixabay

15 ans ! C’est ce qu’il a fallu attendre pour que le retour de Keren Ann se fasse en français. Bien sûr, la chanteuse n’avait pas délaissé sa carrière mais elle avait pris le partie de chanter en anglais depuis tout ce temps. Si sa voix n’en reste pas moins agréable et douce, ce que j’aimais chez elle, c’était avant tout l’alliance de ses mots avec sa musique.

Voilà donc, après 15 années d’attente, que Keren Ann revient à sa source et évoque l’amour de façon très personnelle, celle qui me plaisait déjà tant dans ses premiers albums. Et pour le coup, c’est une véritable immersion, une plongée sous marine que nous propose la chanteuse avec l’album « Bleue ».

Les plus de cet album :

Des mélodies qui fonctionnent, envoûtantes, douces. Tout ce que l’on peut attendre de l’artiste en réalité, mais avec cette note de français qui fait toute la différence pour moi. Porté par le premier single « Sous l’eau », Keren Ann impose de suite son style et nous propose de plonger avec elle, ce que l’on fait rapidement sans craindre de se noyer.

Et au fil des titres qui défilent, nous restons sous cette eau sans pour autant suffoquer. Question arrangements, c’est toujours aussi mélodieux que ce à quoi nous a habitué l’artiste.

Coup de coeur de l’album :

Le titre « Ton île prison » est un véritable petit bijou, tant dans le texte que dans la musicalité.

Ou encore le titre « Le goût était acide » qui a su s’imposer à moi comme une référence de ce nouvel opus.

Les moins de cet album :

Le reste n’en est pas moins très bon. Je mettrais un simple bémol pour le titre « Le goût d’inachevé ». Dans ce morceau, Keren Ann partage sa voix avec celle de David Byrne et autant je trouve la chanson magnifique, autant je fais un blocage complet sur la voix du monsieur. C’est donc un avis très personnel qui ne fera pas forcément légion auprès des gens qui prendront la peine de découvrir ce merveilleux album.